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Vers une mort à petit feu de l’incinération ?

L’incinération représente l’un des modes de traitement des déchets les plus répandus en France. Cette technique n’est pourtant pas sans risques environnementaux et sanitaires. Depuis quelques années, des pistes sont envisagées pour réduire la production de déchets, et donc le recours à l’incinération.

À Pluzunet, dans les Côtes-d’Armor, entre des champs et une route départementale, des camions se succèdent dans un entrepôt au sol bétonné, parsemé de déchets couverts de cendres. Au bord d’une fosse d’une vingtaine de mètres de long, dans laquelle s’entassent des centaines de sacs poubelle déchiquetés, traînent un emballage de tablette de chocolat et un sachet de fromage râpé. Un grappin soulève les déchets, remuant une odeur âcre, pour les transporter jusqu’à l’incinérateur, où ils brûleront à 1 080°C.

Au-dessus de l’usine, à la sortie de la cheminée, un panache de vapeur blanche se dessine sur le ciel bleu. Chaque année, l’unité de valorisation énergétique de Pluzunet incinère 56 000 tonnes de déchets, soit 7,5 tonnes par heure.

L’incinération des déchets est un système de gestion de déchets particulièrement polluant et dangereux pour la santé. Car cette technique ne serait pas sans risques pour les populations avoisinantes, avec le rejet de la dioxine, des oxydes d’azote, des oxydes de soufre.

Ces rejets sont contrôlés mais ils sont toutefois considérés comme dangereux. C’est en tout cas ce que montre un rapport de  l’Institut de Veille Sanitaire (InVS). « Une relation statistiquement significative est mise en évidence, chez les femmes, entre l’exposition aux incinérateurs d’ordures ménagères et le risque de cancer toutes localisations confondues », précise-t-il sans toutefois établir un lien de causalité certain en raison des antécédents de chaque individu.

« Il ne ressort que de la vapeur d’eau de notre cheminée », rassure Myriam Penven, l’une des chargées de communication de Valorys, l’usine qui traite les ordures ménagères de près de 170 000 habitants de l’Ouest des Côtes d’Armor depuis 1997. 

Les réglementations s’étant renforcées, il n’est toutefois pas possible d’atteindre l’objectif utopique de zéro déchet… Mais l’incinération a, au moins, le mérite de réduire entre 70% et 90% de la masse des déchets.

Produire de l’électricité avec les ordures

La valorisation énergétique des déchets apparaît comme un moyen pour réhabiliter l’image de l’incinération face à ces risques environnementaux et sanitaires. La chaleur dégagée par le four est récupérée pour produire de l’électricité. L’énergie ainsi créée chez Valorys « permet d’alimenter le site, de chauffer sept hectares de serres et d’alimenter 3 600 foyers », explique fièrement Magalie Quelenn, chargée de communication. Pourtant, depuis un accident dans l’usine d’incinération, le 20 août 2020, le site ne produit plus d’électricité. Comme une rayure sur la belle vitrine de Valorys. 

Mais valoriser les déchets est aussi une manière de légitimer et d’encourager l’incinération. Faire de l’électricité avec des ordures est « un mode de traitement tout à fait négatif, alors que c’est présenté par les autorités comme une solution vertueuse », assure Alice Elfassi, juriste au sein de l’association écologiste Zero Waste France. 

Un constat partagé par Nicolas Cochard, spécialiste de l’étude des déchets en Corse. « En général, les collectivités qui misent sur la valorisation énergétique n’ont pas intérêt à miser sur une politique de sensibilisation au tri sélectif » car moins de déchets dans l’incinérateur signifie des quartiers qui ne seraient plus alimentés en électricité, avance-t-il. De son côté, Valorys se défend d’adopter une telle stratégie et affirme vouloir « recycler au maximum ».

Moins de déchets, moins d’incinération

Depuis une dizaine d’années, la quantité d’ordures ménagères traitées par Valorys diminue, certes, mais de moins en moins vite. En 2020, dans l’Ouest des Côtes d’Armor, un habitant produisait en moyenne 221 kg d’ordures ménagères, contre 287 en 2010, d’après les chiffres de Valorys. 



Cette tendance à la baisse, en partie expliquée par l’extension des consignes de tri, pousse certains à imaginer une société sans incinérateurs. « Certains pays, comme la Suède et la Norvège, ont des politiques qui réduisent tellement les déchets qu’ils sont obligés d’en importer pour faire fonctionner des incinérateurs qui alimentent des foyers en électricité », explique Nicolas Cochard. « Cet exemple montre que l’on peut diminuer notre production de déchets. Déjà aujourd’hui, si l’on trie, composte, et que l’on utilise des produits réutilisables pour remplacer les cotons et serviettes hygiéniques, on se retrouve avec peu de choses dans nos  poubelles », poursuit le spécialiste. 

Mais la responsabilité ne pèse pas uniquement sur les consommateurs. Zero Waste France prône ainsi la réduction des déchets au niveau des producteurs, et se félicite de la mise en place d’une loi de lutte contre le gaspillage, qui imposera la tri à la source de tous les déchets biodégradables à partir du 31 décembre 2023. 

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