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Enquête Reportage

TikTok, ambassadeurs, écoles… Valorys met le paquet sur le tri

Depuis près de vingt ans, le syndicat mixte Valorys intensifie ses campagnes de sensibilisation au tri. Malgré de bons résultats, une partie de la population reste à convaincre.

Des animations de sensibilisation aux déchets sont organisées pour les plus jeunes sur l’ensemble du Trégor, comme ici à la médiathèque de Ploëzal (Côtes-d’Armor), le 20 septembre 2021.

À bord de son utilitaire, Romuald Le Gruiec est à pied d’œuvre depuis trois heures. Il est 9 h à Rospez, petite bourgade à dix minutes de Lannion (Côtes-d’Armor). Romuald est ambassadeur de tri chez Valorys, le syndicat mixte en charge de la collecte et du traitement des déchets dans le Trégor. Depuis 2018, cet homme de 26 ans sillonne les routes pour vérifier si le tri est respecté. Inspectant les bacs jaunes, il scrute les moindres faux pas. « Dans la majorité des cas, c’est fait correctement. On n’est pas là pour faire la police mais juste informer les habitants », raconte-t-il entre deux arrêts. La population n’est pas toujours au courant des consignes. Comme cet homme interpellant Romuald du haut de sa fenêtre : « Je ne sais pas trop ce qui va dans le bac jaune ou pas ».


Immersion dans la famille de Jessica, à Servel (22).
Avec l’intervention de Magalie Quelenn, chargée de communication à Valorys, Alice Elfassi, responsable des affaires juridiques de l’association Zéro waste France et Mickaël Dupré, enseignant-chercheur et consultant en conduite du changement et incitation environnementaux.
Podcast réalisé par Colyne Emeriau.

En mars 2021, la colère gronde à Pluzunet

Publications, manifestations saisonnières, portes ouvertes… En vingt ans, Valorys n’a pas lésiné sur les moyens pour développer ses campagnes de communication et de sensibilisation au tri. Ces actions semblent porter leurs fruits. Avec 147 kilos de déchets de collecte sélective récoltés par habitant et par an, la zone couverte par Valorys trie deux fois plus que la moyenne des Français et se place première depuis plusieurs années. Les Trégorrois, tous trieurs ? Pas si sûr. En mars 2021, la colère gronde au centre de Pluzunet où les déchets sont acheminés. En cause : les immondices retirées par les opérateurs de tri. « On avait des couches pleines, des objets contondants, des déchets de soins et même des animaux morts », explique Hélène*, opératrice depuis cinq ans. « Face à ces incivilités, on a voulu faire grève. » Malgré les améliorations, les problèmes persistent.

Depuis quelques années, Valorys investit le réseau TikTok pour informer le public sur la collecte et le traitement des déchets.

Les scolaires, public prioritaire

Visites des équipements, animations et interventions dans les établissements, en onze ans, plus de 20 000 élèves de la maternelle au bac +2 ont été sensibilisés aux « écogestes », selon les chiffres transmis par le syndicat. « Surfant » sur l’éducation au développement durable inscrite dans les programmes depuis 2004, l’objectif est de diffuser les consignes apprises en classe. « Nous souhaitons que cette éducation des enfants devienne ensuite une éducation des parents, indique Magalie Quelenn, chargée de la communication. Les plus jeunes sont un vecteur important pour inciter chacun à une attitude éco-responsable. » Ce que confirme l’animatrice Myriam Penven : « Chez mes amis, les gamins ont affiché sur le frigo les consignes de tri. Depuis, toute la famille s’y est mise ». En plus de se rendre dans les classes, Valorys organise des ateliers de sensibilisation. Comme à la médiathèque de Ploëzal.



Selon Mickaël Dupré, enseignant-chercheur et consultant en conduite du changement et incitation environnementaux, les campagnes de communication ont deux objectifs : « Chercher à modifier les représentations et les comportements ». Concernant les interventions dans les écoles comme moyen de toucher indirectement les adultes, il est partagé : « Tout le monde ne laisse pas l’enfant innover au sein du foyer. Avant 7 ans, il n’est pas efficace d’intervenir dans les classes. L’enfant n’a pas encore acquit les normes sociales. Ce canal est intéressant mais pas suffisant ».



Quand la sensibilisation s’invite sur les réseaux

Et pour atteindre toujours plus de monde, Valorys s’invite jusque dans les smartphones. Comme Romuald, Clément Le Merrer est ambassadeur. C’est lui qui actualise la page TikTok du groupe. « Regardez sur quoi je viens de tomber », annonce-t-il dans l’une des dernières postées. Dans sa main : une énorme pierre. « Aux dernières nouvelles, ça ne se recycle pas », tente-t-il de plaisanter tout en alertant sur le fait que certaines trouvailles mettent la santé des agents en danger. Parmi elles, les masques jetés dans les bacs jaunes. « Consigne est donnée de les refuser lors des tournées », ajoute Clément. Pour cibler au mieux les mauvais trieurs, la méthode est bien rodée. « Lorsque de graves erreurs sont repérées, le centre est prévenu et le logement fautif est ciblé par géolocalisation. On a plus qu’à se rendre sur place pour faire de la prévention. » Selon Mickaël Dupré, la culpabilisation n’est pas efficace. « Face à elle, un usager va fuir. Si on lui dit que son comportement peut mettre en danger la santé d’un tiers ou qu’on le menace d’une sanction, il va se défendre et couper court à toute conversation. » La carotte apparaît dès lors plus payante que le bâton.

Un bac refusé dû aux trop nombreuses erreurs de tri repérées par les ambassadeurs lors d’une tournée à Rospez (Côtes-d’Armor), le 22 septembre 2021.

Les campus : l’angle mort de Valorys

Malgré quelques faux pas, tout semble aller pour le mieux chez Valorys, bien parti pour rafler une médaille au concours du meilleur trieur. C’est sans compter ce (gros) cheveu sur la soupe : les 3 000 étudiants du Trégor. Mener des campagnes sur les campus s’avère ardu, comme l’explique Magalie Quelenn. « Nous manquons d’interlocuteurs. C’est un axe sur lequel on réfléchit », souligne-t-elle. Selon l’organisme Éco-emballage, seuls 37 % d’entre eux trient systématiquement. Sur le campus de l’IUT de Lannion (Côtes-d’Armor), qui compte à lui seul plus de 800 étudiants, aucune consigne de tri n’est appliquée. Sandrine, employée de restauration, détaille les difficultés à l’appliquer. « On a essayé de faire du compostage, mais ça n’a duré que quelques mois. Dans les bâtiments, il n’y a qu’une seule poubelle. On à des bacs à la cafétéria, mais je suis parfois contrainte de tout rassembler dans le même sac. » 

Le ministère de la Transition écologique s’est fixés plusieurs objectifs pour les dix prochaines années dont l’harmonisation des consignes de tri et les couleurs des poubelles d’ici 2025 afin que ce geste écologique s’inscrivent durablement dans les comportements. Dans ce petit bout de Bretagne, le chemin est encore long. 

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