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Reportage

Le bois de bocage : un déchet devenu richesse

Les arbres des haies et du talus du bocage trégorrois encombrent parfois les agriculteurs. Pourtant, sa valorisation en bois énergie est encouragée par Lannion-Trégor Communauté et la coopérative Bocagénèse. Il permet d’alimenter dix chaudières bois sur le territoire de la communauté d’agglomérations.

Chênes, noisetiers, saules, châtaigniers… Ces arbres, plus ou moins âgés, s’épanouissent sur les talus ou dans les haies qui délimitent les parcelles agricoles. Ce réseau constitue le bocage du Trégor, un paysage familier de ses habitants. «Plus on s’enfonce dans le sud du pays, plus le bocage est dense», souligne Jean-Pierre Le Rolland, agriculteur à Plougras. 

L’entretien de ce bocage, nécessaire pour que les tracteurs puissent circuler librement, est une contrainte pour certains agriculteurs. «Il arrive que les haies soient entretenues un peu à l’arrache. Le bois récupéré finit dans le coin d’un champ où il est parfois brûlé», explique Jean-Pierre Le Rolland. Philippe Carmes, agriculteur à Louargat, s’est déjà retrouvé avec 30 à 50 tonnes de bois. «Dans ce cas, le bois de bocage n’est pas valorisé et constitue un déchet», poursuit-il. Tout l’enjeu de la filière bois-énergie, lancée depuis un peu plus de dix ans dans le Trégor, est de transformer ce déchet en richesse.

En effet, le bois de bocage est une ressource naturelle et renouvelable aux multiples usages. En bois d’œuvre, il permet de construire. En bois bûche ou en bois énergie, il permet de se chauffer. C’est justement en bois énergie que Lannion-Trégor Communauté (LTC) et la société coopérative d’intérêt collectif Bocagenèse lui donne un usage tout en garantissant la gestion durable des haies. Cette filière bois permet d’alimenter dix chaufferies sur le territoire de LTC.



L’IUT de Lannion chauffé grâce à du bois de bocage

Les bâtiments du siège de LTC, l’IUT, les logements étudiants du CROUS et le gymnase sont par exemple chauffés grâce à l’une de ces chaufferies située rue Monge, à Lannion. «Pour les alimenter, on passe commande à Bocagénèse qui nous fournit du bois adapté, issu du bocage. Un produit, similaire à de gros copeaux de bois», détaille Florent Boudin, responsable du service énergies à LTC. 

Avant d’en arriver là, plusieurs étapes sont nécessaires à commencer par la mise en place d’une gestion durable du bocage. «Si ce n’est pas le cas, dans dix ans on verra les clochers d’un village à l’autre !», illustre le président de Bocagenèse depuis 2017, Jean-Pierre Le Rolland. Le but n’étant pas de raser les haies, qui peuvent aller jusqu’à 20 mètres de haut, ni de détruire les talus. Bien au contraire, il s’agit de les préserver et de les renforcer. Cette gestion joue un rôle essentiel dans la limitation des pollutions, l’écoulement des cours d’eau et l’érosion des sols.  Les missions du Bassin Versant « Vallée du Léguer” qui travaille main dans la main LTC.

La coopérative suit les indications du Label Haie qui encadre les pratiques de gestion des haies bocagères, ainsi que les filières de distribution du bois bocager. Bocagenèse rencontre ses 70 agriculteurs sociétaires chaque année en amont et pendant le chantier d’entretien d’une haie pour mettre en place une gestion adaptée, notamment le choix des arbres à conserver dans le temps.

« Sur mes vingt kilomètres de haie, j’en entretiens deux kilomètres chaque année. C’est un cycle de dix à douze ans qui est mis en place […] On n’a même pas l’impression que j’ai coupé les haies que j’ai entretenues il y a huit ans. »

Philippe Carmes, à propos de la gestion bocagère de son exploitation de 160 hectares.

Une démarche aux antipodes de certaines entreprises privées : «Peu scrupuleuses, elles achètent le bois aux agriculteurs et coupent toute la haie. Le bois énergie qu’elles vendent est peut-être moins cher mais cela va à l’encontre de notre politique de restauration et de gestion du bocage», assure Florent Boudin. 



4.500 tonnes de bois produites

Une fois sa haie de bocage entretenue et le bois coupé, l’agriculteur passe généralement par un prestataire de services pour le broyer en plaquettes. Le produit est acheminé puis stocké sur une plateforme de stockage bois, comme celle de l’objèterie, située dans la zone artisanale de Buhulien, à Lannion. 

Si certaines plaquettes de bois, volumineuses et humides, peuvent aller presque directement dans certaines chaudières, comme celle de l’hôpital de Lannion, la plupart doivent patienter environ six mois pour sécher avant d’être prêtes à l’emploi. Mis en tas, les plaquettes fermentent.

« On appelle ça l’effet cheminée. Pendant les premiers jours, une forte odeur de bois émane et les températures peuvent monter jusqu’à 70 degrés au coeur du tas. »

Christophe Kergoat, responsable adjoint du site de l’Objèterie.

Les plaquettes de bois sont ensuite achetées par LTC pour alimenter ses chaudières bois. 22,3 euros le mégawattheure pour du bois humide et 31,5 euros le mégawattheure pour du bois sec. À titre de comparaison, le mégawattheure de gaz est «à environ 60 euros» et le mégawattheure de fioul est «à environ 80 euros», assure le responsable du service énergie à LTC. 

Les plaquettes de bois produit par les agriculteurs sociétaires de Bocagenèse stockées à la plateforme de stockage bois de l’Objèterie, située dans la zone artisanale de Buhulien, à Lannion. © Maël Baudé

Les 70 agriculteurs-producteurs de Bocagenèse ont produit, entre juin 2020 et juin 2021, 4 500 tonnes de bois de bocage. La coopérative, qui a répondu à l’appel d’offre de Lannion-Trégor Communauté le 9 septembre 2021, espère continuer de fournir à la communauté d’agglomération des plaquettes bois énergie gérée durablement pour les quatre années à venir. Réponse début octobre. 

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