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Enquête

Valorys(que), une usine de tri à la main lourde sur les conditions de travail

Métier difficile, l’opérateur de tri ne chôme pas sur son tapis de travail. Dans un dialogue social compliqué, certaines mesures pour lutter contre les Troubles musculo-squelettiques (TMS) restent inappliquées.

Le temps passe et les conditions de travail dans le centre de tri Valorys, aussi. Avant sa structure nouvelle génération en 2012, les chargés de tri du Smitred (Syndicat mixte pour le tri, le recyclage et l’élimination des déchets) ont connu bien des mésaventures : une seule ligne de tri pour dix-sept opérateurs, gestes répétitifs, odeurs insoutenables et la poussière qui s’immisce au fond des narines.

Cette ancienne image du site industriel ne rend pas nostalgique l’actuel président de Valorys, Éric Robert. « Ici, tout est une histoire d’êtres humains, martèle le successeur de Jean-Yves Menou, créateur de Valorys. Ici, nous avons la crème de la crème des trieurs ». Là où la pénibilité de travail est plus que présente, le directeur veut mettre un point d’honneur sur la sécurité. L’objectif : réduire les Troubles musculo-squelettiques (TMS) et améliorer les conditions de travail. « En 2016, nous avons mis en place une séance de réveil musculaire avant la prise de poste », interpelle Rémy Henrionnet, responsable qualité-sécurité-environnement (QSE) du centre. « Nous avons aussi proposé des repose-fesses sur la ligne de tri », ajoute le président de Valorys.

Notre document n’était pas du tout adapté à la chaîne avant l’arrivée de notre responsable qualité-sécurité-environnement (QSE).

Magalie Quelenn, chargée de communication de Valorys.

Au-delà des bonnes intentions, les centres de tri doivent éviter le plus possible les arrêts de travail afin de maximiser leur rentabilité. En 2015, les TMS représentent 87 % des maladies professionnelles reconnues avec un impact direct sur les collectivités et entreprises de collecte et de traitement des déchets d’après Urbatic Concept, cabinet spécialisé en missions de sécurité et santé au travail.

La sécurité du site industriel de déchets tient en un seul document unique d’évaluation des risques professionnels rendu obligatoire depuis un décret de 2001. « Notre document n’était pas du tout adapté à la chaîne avant l’arrivée de notre responsable qualité-sécurité-environnement (QSE) », lance Magalie Quelenn, chargée de communication de Valorys. Mais, depuis 2010, Rémy Henrionnet s’occupe de confectionner ces documents pour améliorer les conditions de travail en proposant un plan d’action pour chaque danger. Pourtant, si l’environnement d’exécution semble meilleur, les risques sont toujours aussi importants.

Des aménagements inadaptés

Aujourd’hui, l’échauffement n’est plus réalisé par les opérateurs de tri et les sièges n’ont jamais été utilisés. « L’appui-fessier est une bonne alternative à une position debout, si seulement vous n’avez pas à anticiper les gestes et une cadence élevée de travail » , explique Maria Laugier, ergonome au centre Santé au travail en région morlaisienne. « Nous n’avons aucune donnée scientifique qui prouve que les échauffements réduisent les TMS. » Face à ces refus des salariés, Rémy Henrionnet pointe la responsabilité personnelle des opérateurs de tri.

Dans cette période marquée par la pandémie, les agents de tri sont de plus en plus exposés aux aiguilles. Par inadvertance, les opérateurs peuvent se faire piquer. Pour lutter contre ce nouveau fléau, des gants en kevlar leur avaient été proposés. « Ils n’ont pas voulu utiliser ces nouveaux outils pour améliorer leur condition de travail », déplore Bérenger Le Negaret, représentant syndical Sud CT, par ailleurs chargé de communication de Valorys. Est-ce de la mauvaise volonté de la part des trieurs ? Eux, prônent, une mauvaise ergonomie de travail. C’est vrai qu’il est difficile de trier avec des gants de boxe.

De la friture sur la ligne… de tri

Alors que le slogan de l’entreprise annonce : « Ensemble, construisons un avenir propre », il est plutôt conflictuel… Pour ne rien arranger, le syndicat habituel des opérateurs de tri, la CGT, a perdu son seul siège au sein de Valorys en 2014. Détrôné par le syndicat Sud CT, devenu majoritaire, les relations entre les parties sont gorgées de rancœur selon le responsable syndical, Bérenger Le Negaret. « Les trieurs ne viennent jamais à nos correspondances du vendredi », déplore le responsable syndical. « En plus, ils ne nous font que des revendications très minimes. »

Tendinite, cadence insupportable, mal de genou, douleur musculaire… Faire remonter les mauvaises conditions de travail à la direction de l’entreprise et défendre Valorys médiatiquement ne lui semble pas antinomique. « Après, je ne peux pas leur reprocher leurs douleurs, je ne fais pas le même métier », reconnaît-il. Depuis le départ en retraite en février dernier de la médecin du travail de Valorys, Danielle Olivola, le site de Pluzunet n’a pas encore son nouveau spécialiste. Le rendement reste le maître mot de chaque entreprise, mais les conditions de travail sont telles que cinq nouveaux postes sont à pourvoir en octobre. À une semaine de la date butoir, aucune proposition d’emploi n’a trouvé son candidat.

Il ne manquerait plus que la chanson d’Henri Salvador ne vienne rappeler aux opérateurs de tri que : « Le travail, c’est la santé. Rien faire, c’est la conserver. Les prisonniers du boulot. N’font pas de vieux os ! »

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